Histoire

AUX ORIGINES :

Personne ne connaît exactement les origines de l’arme de la naginata.

Exemple de Kwan Do swords

Pour certains, la naginata serait une arme inspirée de l’arme chinoise Kwan Do Swords.

Pour d’autres, il s’agit d’une arme née sur le champ de bataille : la 1ère naginata serait une lame de tachi fixée sur une hampe de lance.

Enfin, d’autres imaginent que la naginata aurait été développée depuis l’étrange arme « Teboko » ou encore que les origines de la naginata sont plutôt à chercher du côté des outils agricoles.

Les premières mentions de la naginata datent de la période Heian (794-1185). L’arme est alors composée d’une hampe de taille variable entre 1m20 et 2m40 avec une lame plus ou moins arrondie qui pouvait faire entre 30 et 60 cm. L’extrémité opposée de l’arme se présentait sous forme de pointe.

La naginata est une arme de fantassins : la longueur de l’arme leur permettaient de combattre les cavaliers. La naginata a deux autres grands avantages : elle force le sabreur à une distance qui n’est pas à son avantage et son poids lui permet d’écraser une armure.

Il existait plusieurs types de naginata: Les Kozori étaient composées d’une lame très courbée, alors que les Hirumaki possédaient une lame proche des katanas et pourvues d’une garde protégeant la main. Certains modèles étaient équipés au bas du manche d’une pointe en acier (Ishizuki) pour transpercer les armures. Enfin, les Nijas et les paysans utilisaient parfois des naginatas particulières à lame courte et épaisse (Bisen Tô) dont ils se servaient comme fauchard.

Au VIIème, la naginata devient l’arme privilégiée des Sorei (des prêtres des montagnes).

La naginata fut particulièrement utilisée au XII et au XIII ème siècle, en particulier lors de la Guerre de Genpei (1180-1185). Bien qu’il y ait peu de preuves étayant cette théorie, on décrit Tomoe Gozen et Hangaku Gozen, deux célèbres guerrières de la guerre de Gempei, comme ayant combattu avec une naginata.

Durant la période d’Edo (1603- 1868) de nombreuses écoles d’arts martiaux furent crées et une quinzaine d’entre elles ont développé des kata utilisant la naginata.

Au XVème, la naginata est moins utilisé sur les champs de bataille et commence à être associée à une arme de femmes. En effet, à l’époque, les femmes venant de famille guerrières s’entraînaient avec une naginata pour défendre leurs foyers. L’arme s’embellit et devient une part intégrante de la dote d’une jeune fille.

Le Japon traversa en 1467 une période particulièrement chaotique connue plus tard sous le nom de “Sengoku Jidai” (“les provinces combattantes”). Les domaines féodaux étaient parfois presque entièrement dépouillés de tous les hommes en bonne santé, qui étaient enrôlés dans l’armée, morts ou fait mercenaire.

Les femmes devinrent le dernier rempare entre leur foyer et pillards, voir même des armées. L’image de la femme guerrière date de cette époque.

Il faut tout de même préciser qu’à cette époque, l’arme de prédilection des femmes n’était pas la naginata mais le kaiken, qu’elles utilisaient pour se défendre au corps-à-corps ou pour se suicider, préservant leur honneur et celle de leur famille. (Les femmes ne commettaient pas de seppuku comme les hommes, mais le jigai, moins douloureux, plus rapide et..plus esthétique).

“The women’s brigade of the Kagoshima Rebels in brave battle”, 1877, Chikanobu (1838-1912)
In 1877 Saigô Takamori led the Satsuma rebellion against the Meiji government. Some members of the samurai class were sympathetic to his cause because they...
“The women’s brigade of the Kagoshima Rebels in brave battle”, 1877, Chikanobu (1838-1912)

L’unification de la pratique du Naginata

Dans le milieu du XVII ème siècle, le Japon, sous le régime du shogunat des Tokugawa, a connu une relative paix.

Sous l’influence du confusionnisme, les rôles de l’homme et de la femme se rigidifia. Les femmes pratiquèrent le naginata moins pour apprendre à se défendre que pour apprendre les vertus nécessaires à être une bonne épouse de samouraï: Au contraire de l’Europe, au Japon on attendait d’une bonne épouse d’être forte pour seconder son époux.

La naginata faisait souvent partie de la dot d’une jeune fille qui se devait “de savoir coudre, cuisiner et faire du naginata”

Avec la paix, de nombreuses écoles d’arts martiaux évoluèrent, certaines se spécialisant dans la pratique féminine du naginata.

Au tout début de l’ère Meiji se développe les gekken Kogyo (des spectacles d’épées). Certains samouraïs sans ressources organisent des démonstrations et des défis entre eux ou avec quelqu’un faisant partie du public.

Murakami Hideo, qui fut la 17ème directrice de la Toda-ha Buko-ryu, gagna sa vie grâce à ces combats.

Ces combats deviennent vite très populaires et finirent par dégénérer: considéré comme une menace pour l’ordre public, ils furent dissous quelques années plus tard.

Lors de la 1ère moitié du XXème siècle, les arts martiaux ont une grande importance dans l’éducation des garçons. Cette période étant marquée par de nombreux conflits militaire, les jeunes garçons sont considérés comme de futurs soldats.

Les femmes pourraient, aprioris ne pas être concernées, pourtant, dès la fin des année 1880, certains établissements proposent des cours de naginata aux filles et en 1944, ces cours sont rendu obligatoire.

En 1880, les cours de naginata ont pour but de former “des bonnes mères et des épouses avisées”. Cette idéologie apparue au début de l’époque Meiji fait référence à l’évolution des vertus demandées aux femmes: celles-ci ont une position inférieur à celle des hommes et doivent avant tout s’occuper du foyer et des enfants.

“La volonté des femmes à s’abandonner toute entière pour le bien de leur mari, de leur foyer, de leur famille, ainsi que l’honneur qu’elles en tirent, était comparable au sacrifice des hommes pour leur maître et leur pays ” écrivit Nitobe Inazô (1862-1933), un diplomate et docteur en agronomie et en droit dans son livre “Bushidô: l’âme du Japon” en 1900.

En 1880, donc, il s’agit plus d’un cours de gym que d’un cours d’art martial. En effet, si la formation des filles est considérée comme moins importante que celle des garçons, il faut néanmoins que les jeunes filles puissent donner naissance à des enfants en bonne santé, futur soldat de la nation (de telles considérations auront d’ailleurs aussi lieu en Europe.) Des cours tels que la couture et la cuisine leur seront ainsi aussi donnés.

“Dans le ” Rescrit impérial sur l’éducation”, la vision de l’Empereur est claire: Les élèves doivent être tous empreints d’une piété filiale envers l’Empereur et lui être soumis. A partir de ce consensus national, une armée unie et forte à l’égal des pays européens doit être formée: c’est l’un des buts de l’éducation des garçons. En ce qui concerne l’éducation des filles, ce sont les futures mère et épouses qu’il faut former.” (Jean-Michhel LECLERCQ, Éducation et société au Japon, Paris, Edition Anthropos, 1985, p18)

C’est pour développer cet enseignement et le développement des arts martiaux que fut créé le “Dai Nihon Butokukai” en 1985.

Introduire les arts martiaux dans le système éducatif ne fut pourtant pas si simple: Lors de la restauration de Meiji, l’ensemble des arts martiaux était associé à une société archaïque. En 1871, les arts martiaux ne font d’ailleurs plus partie des systèmes éducatifs. Le gouvernement souhaitant à cette époque s’occidentaliser.

Des études financée par le ministère de l’Education étudièrent les bienfaits et les dangers des arts martiaux et concluent que ceux-ci ne sont pas appropriés à l’éducation de la jeunesse.

C’est pour répondre à ces critiques que l’on créa le “Bujutsu Taisô” une sorte de gymnastique utilisant les armes principales des arts martiaux.

Ozawa Unosuke créa deux genres d’exercices qui utilisaient la naginata: le Naginata-yûgi (“jeux avec la naginata”) et le Naginata-taisô (“gymnastique avec la naginata”). Il écrivit plusieurs livres à ce sujet (Kaisei naginata taisôhô en 1906, taiiku-ryû kenjutsu naginata jutsu en 1918).

Dans ces exercices, l’aspect martial est totalement effacé: les mouvements ne seraient pas efficaces sur un champ de bataille et la direction de la lame de la naginata n’a plus d’importance. Certains exercices se font en outre en musique. (Les origines du rythmiques naginata?)

Les techniques martiales en gymnastique ont été très fortement critiquées, mais elles apportèrent néanmoins de nombreuses innovations comme la pédagogie nécessaire pour enseigner à un groupe, les exercices pour débutants, et l’idée d’instaurer des techniques unifiée dans les arts martiaux,…

En effet, jusque là, des écoles d’art martiaux différentes étaient apprises aux étudiants: dans telles écoles, les jeunes filles étudiaient le tendô ryû alors que dans d’autres, elles étudiaient le Jikishinkage ryû, ect…

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Dans les années 1930, le ministère de l’éducation met en place une nouvelle vision des arts martiaux: Le terme “bujûtsu” (les techniques martiales) est remplacé par “budô” (la voie martiale): le caractère spirituel est mis en avant. Ainsi, par exemple, le kenjûtsu est renommé “kendô”.

Mais les mouvement nationalistes se précisent partout de le monde et le Japon en fait pas exception: le Japon met en place des cours d’éducation physique avec des sports propre à son pays. La pratique du naginata à l’école augmente, que ce soit en cours extrascolaire ou en cours optionnel. On remarque néanmoins aussi que le naginata n’est pas encore codifié: 2 ryû sont particulièrement étudiés: le Tendô ryû et le Jikishinkage ryû.

En 1941, une nouvelle reforme de l’enseignement à lieu et les cours d’art martiaux, bien que simplifié, doivent enseigner des valeurs martiales. Les cours sont à présent donnés aussi bien en primaire qu’en secondaire ou dans les écoles supérieurs.

On peut lire dans le Kokumin gakkô tairenka budô: Naginata shidô benran (“cours d’arts martiaux de l’école nationale: Guide d’instruction à la pratique du naginata-dô”): “la formation à l’esprit des arts martiaux et l’instruction des vertus des femmes au foyer pourront être fusionnés en concordance”.

L’unification des techniques de naginata n’est pourtant toujours pas faites.

Le Butokukai créé en 1940 un groupe de professeur de naginata et de kendô pour unifier les techniques de naginata et permettre son enseignement dans les écoles.

La forme et la taille de la naginata sont établies: l’arme mesurera à présent entre 1m65 et 1m80. Une taille réduite par rapport à de nombreuse écoles mais qui semble plus adaptée à la pratique des filles. Son poids est aussi allégé.

Mitamura Chiyo (Hanshi en Tendô ryû) s’opposa à l’application des ces nouvelles technique et des nouveau kata. Elle jugeait ceux-ci irrationnels et voulait protéger les techniques et tradition de son ryû.  En signe de désaccord, elle démissionna du Butokukai en mai 1941.

Ci contre, cours de Tendo-ryu sous la direction de Mitamura Chiyo.

Le Butokukai échoua dans sa mission, ne pouvant pas imposer cette nouvelle forme de naginata à l’ensemble des établissements scolaire.

Le statut des femmes change: de “bonnes épouses et mère avisée”, elles deviennent “sujettes de la nation” et doivent soutenir les hommes au front. On les encourage à faire partie d’associations féminines, à apprendre à se défendre,…Elles ne sont néanmoins pas envoyées au front avec les hommes: c’est avant tout une mesure de protection et de prévention.

Le changement à aussi lieu en Europe mais il y a là-bas toujours un débat concernant les dangers du sport sur les futures grossesses: les études en France et en Italie s’accordent pour dire que “la femme n’est point construite pour lutter mais pour procréer” (P. ARNAUD et T. TERRET “Histoire du sport féminin, tome 2: sport masculin- sport féminin: éducation et société, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 62)

Or, le Japon souhaite plus que tout s’éloigner de la vision occidentale.

Les vaisseaux de Cortes – mais qui est arbon
Affiche de propagande « Le samouraï destructeur» célébrant l’alliance de l’axe Allemagne, Italie et Japon en 1941.

Le bushidô est d’autant plus valorisé qu’il permet au Japon de se différencier des autres pays, particulièrement de l’occident et qu’il rappel aux Japonais le temps des bushi.

Non seulement les arts martiaux rappels les valeurs des bushi telle que la fidélité envers l’empereur, mais elle fait référence à un passé glorieux et permet une certaine continuité historique.

Durant les dernières années de la guerre mondiale, le nagianta est particulièrement développé.

Puis-ce que le budokukai n’avait pas réussi son entreprise, c’est au tour du gouvernement d’unifier le naginata: On choisit Sakakida Yaeko pour créer un nouveau programme.

La grande nouveauté de son programme est l’apparition de kata où les deux partenaires pratiquent le naginata. Auparavant, les kata où deux naginata s’affrontaient étaient plutôt rare: il s’agissait surtout d’une naginata contre un tachi (or le sabre était une arme d’homme).

Sakakida Yaeko créé un naginata typiquement féminin, avec des techniques plus adaptées. Le corps de la pratiquante doit être en mouvement avec l’arme pour éviter des efforts musculaires et les techniques de contre-attaques sont particulièrement valorisées.

Elle prévoit en outre un programme adapté pour chaque année scolaire.

Le kiai (cri) change pour citer à présent les parties du corps visé.

“Ce programme, sans vouloir réunir dans un style toutes les écoles ou rechercher à unifier mécaniquement toutes les écoles anciennes d’arts martiaux, est quelque chose de complètement indépendant de ces écoles et est plus adapté à l’enseignement scolaire. Pour l’instruction du naginata, ce programme est absolument nécessaire.” (Sakuma Keizô, un des administrateurs du ministère de l’éducation qui a participé à ce remaniement s’explique dans le magazine “Gakuto kyôiku” le 1er juin 1944)

Néanmoins, malgré les efforts du gouvernement, cette adaptation du naginata restera elle aussi inachevée.

Or, un peu avant la fin de la guerre, il est urgent de donner à tous un entraînement plus martial; car à présent, même les femmes doivent combattre.

Un premier programme de cours de naginata est mis en place le 1 avril 1943 et le 1 mars 1944, le programme de naginata devient obligatoire dans tout le pays

De nouvelles lois déclarent en 1945 que les femmes japonaises sont des sujets impériaux et qu’elles peuvent être mobilisées pour servir au front.

On met en avant des exemples historiques de femmes combattant auprès de leur époux et la pratique du naginata est d’autant plus mis en avant qu’elle était pratiquée par les femmes et les filles de samouraï.

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Après la capitulation japonaise en septembre 1945, le Butokukai est dissous et les arts martiaux n’ont plus de place dans l’éducation. Il faudra attendre 1950 pour qu’ils soient progressivement réinsérés dans le système scolaire (toutes connotations liées au budô étant effacés).

C’est ainsi que nait “l’atarashii nagianta” (le nouveau naginata), fortement influencé par le programme de Sakakida.

Le naginata tel que l’on le pratique à présent, n’a plus grand chose de réaliste: Il s’agit de compétition, où le but est de marquer des points, ce qui rend pour les non-pratiquants le combat un peu confus: il n’existe que 5 cibles et beaucoup de coups qui pourraient être mortel ou invalidants ne représentant pas de points.

Les participants ne réagissent et ne bougent pas de manière naturelle, puis-ce que certaines attaques (pourtant normalement mortelles) ne donnent pas lieu aux votes des arbitres.

Les attaques sont devenues plus légères et l’accent est donc à présent mis sur la vitesse.

Certains sensei des anciennes écoles de naginata ont tenté d’enseigner leurs techniques, mais on remarque que le nombre de pratiquants ne cesse de baisser, exception faite du Tendo-Ryu et du Jikishin kage-ryu.

Cela n’est pourtant pas toujours la faute des pratiquants. Malheureusement, les maîtres japonais restent très replié sur eux même ou ne semblent pas avoir conscience de la perte de savoir qui est en train d’arriver.

Sources: thèse de Chloé Bellec “Le naginata et l’éducation dans la première moitié du XXème siècle” et le texte d’Ellis Amdur “Women warriors of Japan”.

La diffusion du Naginata dans le monde:

(Suite à venir)