Encore un week-end mémorable….

Samedi 12 , mars 2005 Tyl, François, Jonathan et David sont partis de grand matin pour Paris afin de participer au 3ème Paris Taikaï.

Comme d’habitude le réveil ne fut pas facile, mais nous étions tellement impatients que la fatigue disparue vite.

La manifestation se déroulait au même endroit que les Championnats du Monde de 1999, à la Halle Carpentier.

Bien sûr, les stars de l’évènement étaient les Japonais, venus en nombre. Malheureusement pour nous le Kendo était l’art martial de l’évènement, il n’y avait donc pas de senseis de Naginata Atarashi.

Mais c’est toujours enrichissant de pratiquer avec des senseis d’envergure. Je ne me souviens pas du nombre de 7ème et 8ème dan de Kendo présents, mais je n’en avait jamais vu autant rassemblés au même endroit.

Le samedi matin fut davantage une entrée en matière, avec un petit entraînement rondement mené par les Kendokas. Alors qu’en parallèle, les pratiquants de iaï et de jo profitaient d’un entraînement avec les maîtres venu pour l’occasion.

A midi, il y avait une conférence intitulée  “Voie du sabre et art de l’épée / Histoires parallèles et regards croisés”, par M. Hervé Drevillon, mais malheureusement nous n’avons pas eut le temps d’y assister entièrement, car il fallait nous préparer pour l’après midi.

En effet le planning de l’après midi était très serré.

Avec des combats de démonstration de Kendo 3, 4, 5 ,6 et 7ème dan et des isshu jiaï d’une part. Mais également de superbes présentations de katas d’iaï et de jo.

Nous représentions le Naginata, ainsi Tyl et François présentèrent 5 katas parmis les Shikake-Odji pendant que Jonathan et David les 5 premiers Kata de la Fédération. Enfin, afin de présenter un maximum de facettes de notre art martial préféré, David et François présentèrent 5 katas de Tendo-ryu .

Après une courte pause en fin d’après midi, le clou du spectacle pouvait commencer.

Monsieur Yoshimura et son équipe avaient bien fait les choses, avec 9 présentations de la délégation japonaise. Après les discours d’usage de l’ambassadeur du Japon en France, juste le temps de placer nos caméras, la soirée pouvait commencer.

Ce ne fut pas un art martial qui ouvrit le bal, mais une danse Shinto, comme si la soirée était placée sous le signe du sacré. En effet nous avons assisté à une représentation de la danse du héron ou Sagi maï.

«Quels sont les oiseaux descendus sur le pont ? Ce sont des hérons…, des hérons…, oui, des hérons… Ils traversent le pont. Dans la pluie passagère, ils passent tout mouillés… » Accompagné de chants, un couple de hérons blancs déploie ses ailes et un ermite purifie la terre.

Sagi-maï était à l’origine une danse de Dengaku (Musiques et danses du Moyen Age pratiquées lors des cérémonies agricoles) et son style est bien rustique. Si avec ses beaux costumes elle évoque pourtant une certaine noblesse, c’est parce qu’elle est née à Kyoto, ancienne capitale du Japon. Le contexte de son apparition n’est pas clairement connu, hormis le fait qu’elle se pratiquait à Gion-e (fête de Gion) au Moyen Age, comme offrande au temple.

La silhouette blanche et élégante des hérons, symbole de pureté, le couple intime planant dans le ciel, au sol l’eau limpide courant paisiblement… Nous y ressentirions les louanges des peuples anciens envers la nature et l’amour. De l’ère Nambokucho au milieu de l’ère Sengoku (milieu XIV – début XVI siècle), le puissant clan Ohuchi, issu des régions de Nagato et Suo (préfecture actuelle de Yamaguchi) et qui étendait ses territoires dans l’Ouest du Japon, fut le grand mécène grâce auquel Yamaguchi, la capitale, fut construite sur le modèle de Kyoto et surnommée « Kyoto de l’Ouest ». Sagi-maï figura parmi la multitude des apports culturels de Kyoto.

Par la suite, durant la période des guerres qui enflammèrent tout le Japon, la « danse des hérons » fut engloutie dans la disparition de Yamaguchi et même de Kyoto.

Cependant, sa pratique installée auparavant par le clan Ohuchi dans la ville de Tsuwano d’Iwami (préfecture actuelle de Shimane) survécut heureusement et perdura jusqu’à nos jours.

La ville de Kyoto la fit renaître voilà une cinquantaine d’années et nous pouvons aujourd’hui assister à sa présentation à Kyoto comme à Tsuwano.

 Vinrent ensuite les Kendo katas desquels émanent l’essence du Kendo où chaque pratiquant puisent la subtilité de son art.

A l’ère Meiji, l’armure d’entraînement fut améliore, et le Kendo, pratiqué avec le shinaï, devint populaire sans être gêné par la différence de méthodes.

Après son introduction dans la police et dans l’armée, il prit une place solide dans l’enseignement au lycée, en tant que méthode d’éducation physique. Le Kendo étant la voie pour l’entraînement du corps et de l’esprit basé sur le principe de l’utilisation du sabre représenté par le shinaï, la nécessitée de créer une série de kata unifiés se faisait sentir.

Il fallait que ce fut un outil commun pour l’enseignement du Kendo, sans dépendre de telle ou telle méthode. Dans cette perspective, des experts de l’époque se réunirent et conçurent en 1912, Dai-Nippon Teikoku Kendo Kata, composées de 7 figures au grand sabre et de 3 au petit, qui fut adoptée par le Ministère de l’éducation.

Après plusieurs discussions et commentaires, la série fut rebaptisée Nihon Kendo Kata par Zen Nippon Kendo Renmei, lors de la reprise de la pratique du Kendo après la dernière guerre mondiale. Cette série assure l’importante liaison entre le sabre et le Kendo pratiqué avec le shinaï, et sert d’introduction aux katas anciens. C’est pourquoi aujourd’hui sa pratique est obligatoire pour tous les pratiquants de Kendo.

Vint ensuite la Jigen-ryu hyoho,

Cette école est bien connue depuis plus de 400 ans en tant que méthode de combat au sabre propre à la région de Satsuma (préfecture actuelle de Kagoshima) ; au point que, dans l’esprit des gens, ces deux noms sont indissociables.

Si les vassaux qui habitaient autour du château étaient obligés, par la politique du fief, de travailler dans les champs en temps de paix, ils ne manquaient pas de s’entraîner quotidiennement au tachiki-uchi, frappes sur un tronc d’arbre dressé à ce dessein dans leurs jardins.

« Abattre l’ennemi d’un seul coup », telle devise semait la peur chez les samouraïs des autres régions et nous savons que Kondo Isami, chef de la Shingen-gumi ( Unité des forces gouvernementale créée en 1863 pour réprimer le mouvement révolutionnaire), ordonnait à ses hommes d’éviter à tout prix le premier coup des samouraïs de Satsuma.

La méthode était née chez de braves gens peu scrupuleux et sa pratique continue renforçait leur mentalité ; lame épaisse et robuste du sabre de Satsuma, monture avant tout utilitaire… Nombreuses sont les anecdotes sur la jigen-ryu et Satsuma. Le fondateur de l’école est Togo Chui (1561-1643), qui avait appris la méthode Taisha-ryu, fondée par Marume Kurandonosuke. Il accompagna le seigneur Shimazu Yoshihisa lors de son expédition à Kyoto en 1587 où il rencontra Zenkichi, moine du temple Tennei, qui l’initia aux arcanes du Tenshinshojigen-ryu. Remportant ses 46 combats après son retour à Satsuma, il se fit nommer grand maître d’armes du fief en1604 et, sur l’ordre du seigneur, la méthode prit le nom de « jigen-ryu » d’après les mots d’un soutra bouddhique. Depuis elle est transmise de père en fils dans la famille Togo, M Togo Shigenori étant aujourd’hui le 12ème maître successeur.

Les pratiquants de cette école s’entraînent avec des bâtons, et portent les coups. Outre cela l’entraînement sur les troncs s’opère avec un kiai pratiquement ininterrompu, qui est des plus étonnant.

Une démonstration de jodo de l’école Shinto muso-ryu suivit.

La méthode shinto muso-ryu jojutsu fut conçue par Muso Gonnosuke Katsuyoshi, maître de la 7ème génération de l’école Tenshin-Shoden Katori Shinto-ryu fondée par Iizasa Ienao au XV ème siècle.

Après avoir atteint le plus haut niveau dans cette école, Gonnosuke aurait reçu, en outre, l’enseignement secret Hitotsu no tachi de kashimashin-ryu.

Vers 1600, il se rendit à Edo (actuelle Tokyo) et remporta de nombreux duels, jusqu’à sa rencontre avec Miyamoto Musashi : il subit une amère défaite, immobilisé devant jujidome de son adversaire.

Se jurant d’élever son art à la perfection, il partit pour un long voyage qui serait consacré à des entraînements extrêmement durs. Arrivé au mont Homan de Chizuken (préfecture actuelle de Fukuoka), il se retira dans le sanctuaire de Homan Bodhisattva pendant plusieurs jours.

Au terme de ses vœux, il vit en rêve un enfant sacré qui lui transmit un message divin : «  Apprends, toi, le sens de l’eau et de la lune avec un bâton. » Des lors, il se plongea dans cet art, parvint à le perfectionner et aurait battu Musashi. A part le fait qu’il servit Kuroda, seigneur de Chizuken, on en sait très peu sur Gonnosuke ; son identité réelle, son age, sa classe sociale, sont inconnus.

Les kanji aujourd’hui utilisés pour designer le nom de l’école sont différents de ceux employés à l’origine ; c’est Harada Heizo, 5ème maître successeur, qui procéda à l’adaptation. Cette école, prospère de génération en génération dans le fief de Kuroda, connut un grand essor après l’ère Meiji et Taisho (fin XIX ème siècle). Au grand maître Shiraishi Hanjiro succédèrent Takayama Kiroku, Shimizu Ryuji et Otofuji Ichizo, et, grâce aux efforts de ces trois professeurs, cet art est pratiqué aujourd’hui à travers tout le Japon.

L’école tennenrishin-ryu suivit

elle s’est constituée vers 1790. Malgré sa création relativement récente (les nouvelles écoles, se concentrent généralement sur une seule arme), elle n’est pas spécialisée dans le sabre et comprend plusieurs arts de combat tels que le jujutsu, le bojutsu, le kiaijutsu…

Kondo Nagahiro, son fondateur, natif de la région de Totomi (préfecture actuelle de Shizuoka), avait appris différentes méthodes, avec le Shinto-ryu d’Iizasa Choisai comme base principale. Sansuke, son fils adoptif, lui succéda et développa sa méthode dans la campagne de Tama de la région de Musashi (préfecture actuelle de Tokyo) d’où il était originaire.. Et à mesure que le nombre d’adeptes augmentait alentours, l’école prenait de plus en plus la couleur locale et s’enracinait fortement dans la région.

Shusuke, fils adoptif de Sansuke et 3ème maître successeur, exporta la méthode à Edo (actuelle Tokyo) en ouvrant son dojo, Shieikan, à Ichigaya. Et c’est le fameux Kondo Isami, son fils adoptif et futur chef de la Shinsengumi (Unité de forces gouvernementale créée en 1863 pour réprimer le mouvement révolutionnaire). Qui lui succéda.

L’histoire dramatique des camarades de Shieikan comme Hijikata Toshizo ou Okita Soji est bien connue.

Partis avec Isami pour Kyoto où ils formèrent la Shinsengumi, ils traversèrent une époque riche en bouleversements pour la cause en laquelle ils croyaient.

On dit qu’Isami n’était pas très fort en combat au shinaï, qu’il demandait secours aux voisins quand des visiteurs venaient le défier dans son dojo. En revanche, il était redoutable dans les combats au vrai sabre, comme en témoigne le récit de ses hommes à propos de l’affaire Ikedaya : »Nous avons été fortement encouragés par le kiaï retentissant d’Isami » Cette dernière anecdote est une bonne illustration de l’esprit de tennenrishin-ryu.

Nécessitant un bokuto particulièrement imposant, la méthode cherche avant tout à fortifier le corps et l’esprit, plutôt qu’a raffiner le maniement du sabre.

Enfin vint le moment que nous attendions tous, la présentation de la Toda-ha Buko-ryu. Cette avec une certaine grâce que les katas de cette école s’exécutent avec le Kagitsuki naginata. Je ne vais pas m’étendre ici sur l’histoire de cette école, il faudra attendre l’article dans la section consacrée aux écoles de Naginata.

Ensuite nous eûmes une splendide démonstration de Kusarigama par les représentants de l’école Suio-ryu ai-kenpo et Masaki-ryu kusarigamajustsu.

Le nom de Suio-ryu est bien connu comme désignant la méthode de combat au sabre d’Ogami Itto, le personnage principal du film Baby cart.

Il s’agit d’une école qui rassemble les techniques de kenjutsu, de iai, de jo, de naginata, de kusarigama, de kogusoku (projection en armure), depuis sa fondation vers 1600 par Mima Yoichizaemon, samouraï de la region de Dewa (actuelle Yamagata) et vassal du seigneur Satake.

Yoichizaemon apprit le bokkuden-ryu kenjutsu avec son père, prêtre shintoïste du temple Junisha Gonge, et le hayashizaki-ryu iaï avec Sakurai Gorozaemon. S’étant retiré dans le temple pour s’entraîner au iaï devant l’arbre divin, au bout de 20 ans, il fit une nuit le rêve d’une mouette flottant sur l’eau (sui-o signifie : l’eau et la mouette) qui lui donna l’illumination ; il créa 28 figures de iaï d’après 28 signes célestes.

Après plusieurs voyages à travers le Japon pour promouvoir sa méthode, il arriva a Tsuyama dans la région de Mimasaka (actuelle Okayama) et y devint serviteur du seigneur Mori. Son combat d’alors contre Asada Kyubeii de hozan-ryu est relaté dans l’ouvrage célèbre Gekiken Sodan édité en 1843.

Le 9ème maître successeur Fukuhara Shinzaemon introduit dans l’enseignement la méthode de kusarigama de masaki-ryu qui avait été conçue vers 1750 ; depuis, les disciples l’apprennent parallèlement aux arts propres au Suio-ryu. Aujourd’hui, M Katsuke Yoshimitsu, 15ème maître successeur, forme les pratiquants avec passion.

Le maniement du Kusarigama est toujours un spectacle impressionnant, et ici, Monsieur Katsuke s’en servit successivement pour attraper les sabres et le coup de son adversaire.

Enfin avant les combats de kendo des 8ème Dan, nous avons eut droit a une démonstration

impressionnante de la Yagyu Shingan-ryu hyoho.

Je crois qu’en dehors des splendides armures des pratiquants, nous fûmes tous touché par la force de Monsieur Hoshi, le maître, qui quitta ses béquilles pour marcher à travers la salle afin de voir ses élèves pratiquer.

Le samouraï Takenaga Hayato, de la région de Sendai, était expert en plusieurs arts martiaux. Il reçut l’enseignement de Yagyu Munenori, grand maître de Yagyu Shinkake-ryu et aurait eu la permission de ce dernier d’appeler sa propre méthode «  Yagyu Shingan-ryu » vers 1640.

Bien qu’il s’agisse d’arts de combat pour des guerriers en armure sur les champs de bataille, cette école vise à la défense plutôt qu’à l’attaque. Les armes et techniques utilisées sont très variées ; sabre, yari court, naginata, rokushaku-bo (bâton), yawara (jujutsu), yoroi-doshi (poignard pour combats corps à corps), jin-gama(faucille), fundo-kogama(similaire au kusarigama), tessen (éventail de fer), jitte (bâtonnet de fer avec crochet), ma no hana neijiri (bâtonnet utilisé pour attacher les chevaux)…

Tandis qu’à Sendai les samouraïs du fief de Date s’entraînaient assidûment, une branche naquit à Edo (actuelle Tokyo) ou l’école créée par le fief rassembla de nombreux adeptes. Après Takenaga Hayato, on compta plusieurs experts célèbres tels que Yoshikawa Ichiemon, Koyama Samon et Hoshi Sadayoshi. Et depuis la nomination comme maître successeur du petit fils de ce dernier, Hoshi Kuniyuki, la méthode est transmise dans cette famille de père en fils ; M Hoshi Kunio en est aujourd’hui le 14 ème héritier.


En 1981, l’école Yagyu shingan-ryu a été classée « bien culturel important » du département de Miyagi.

Après ce retour dans le monde des samouraïs, 3 combats de 8 ème Dan de Kendo clôturèrent la soirée en apothéose.

 

Le dimanche, la journée fut consacrée à la compétition.

Pas moins de 4 shiaï-jo virent se succéder un nombre impressionnant de combattants. Malheureusement seule 4 équipes représentaient le Naginata sur un total de 57.

Ce fut l’occasion de revoir Charlotte du club de Hoeilaart, qui faisait équipe avec David et Hugues JeanGérard, venant d’un club parisien. Jonathan, Tyl et François formaient l’autre équipe avec des élèves de notre club enfin Gilles, Serges et Angélique formaient la dernière équipe belge. La France alignait une équipe composée de Alain Guillaume, Catherine Parisis et Anne Guillaume.

Les Kendo-ka goûtèrent bien à quelques sune mais malheureusement, aucune équipe de Naginata ne sortit de sa poule.

Peu importe les raisons, ce fut une leçon d’humilité qui ne gâcha pas pour autant notre journée.

D’autant que l’après midi nous rejoignirent les pratiquants de l’école Toda-ha Buko-ryu afin de recevoir plus d’explications sur la spécificité de cette école et de l’usage qu’elle fait de la Naginata.

Ce fut, pour moi, le meilleur moment du week-end.

Je tiens, enfin, à remercier Sylvie pour son accueil, Béatrice-Claire et tous les Naginata-ka venus pour nous encourager et les organisateurs de la compétition qui se sont démenés pour nous guider vers nos shiai-jo. Ce fut une merveilleuse expérience pour nous tous.

David